N� en 1943, Brian Ferneyhough, qui vient d'�crire un op�ra, Shadowtime,
donn� au Th��tre des Amandiers de Nanterre le 26 octobre, dans
le cadre du Festival d'automne, appartient � une g�n�ration et
plus encore � un mouvement artistique qui ont syst�matiquement
fait table rase du pass�. Or il n'existe pas de genre plus charg�
de conventions que celui de l'op�ra.
A la diff�rence de Helmut Lachenmann - son alter ego dans la
complexit� et la radicalit� -, qui d�signait son essai d'art
lyrique, La Petite Fille aux allumettes, par l'appellation de
"musique avec images", Brian Ferneyhough ne r�cuse pas le terme
d'op�ra pour Shadowtime. Il traite m�me son sujet - la vie et
l'�uvre du philosophe Walter Benjamin - en recourant � sept sc�nes
tr�s typ�es.
A l'instar d'Alban Berg dans Wozzeck, Brian Ferneyhough
articule chaque phase du livret sophistiqu� du po�te am�ricain
Charles Bernstein � partir d'un proc�d� d'�criture plus ou moins
ancien : quolibet, motet, canon, fugue... Un tel travail n'est
accessible que par une minutieuse analyse de la partition. Le
compositeur anglais confie presque tous les r�les (de l'anonyme
aubergiste au pape Pie XII en passant par Jeanne d'Arc, Hitler,
Groucho Marx et Karl Marx) aux solistes d'un ch�ur r�guli�rement
rassembl� � l'antique. Seuls se d�tachent le personnage-cl�
(Benjamin, jouet d'une fatalit� onirique) et le narrateur (version
britannique de Monsieur Loyal).
Comme d'habitude, la musique de Brian Ferneyhough oscille entre
pointillisme pr�cieux et tachisme fr�n�tique. Il arrive qu'une page
�merge du lot. C'est le cas d'un phon�tique Motetus
absconditus (vraie signature du compositeur !) chant� a cappella
ou d'un humoristique Opus contra naturam (au titre encore
tr�s r�v�lateur) de pianiste-r�citant � Las Vegas. Le plus souvent,
comme lors de la deuxi�me sc�ne aux allures de concerto de guitare,
la repr�sentation se r�v�le inutile, sinon impossible.
Brian Ferneyhough part battu dans le d�fi � l'op�ra. Fr�d�ric
Fisbach �vacue alors toute forme d'illusion dans une mise en sc�ne
qui devient, in fine, plus efficace en montrant l'envers du d�cor,
les machinistes et les coulisses qu'en manipulant (pendant deux
heures dix sans entracte) des poup�es de chiffon grandeur
nature.
Pierre Gervasoni
Festival d'automne � Paris.
Shadowtime (cr�ation fran�aise). Musique
de Brian Ferneyhough sur un livret de Charles Bernstein. Mise en
sc�ne de Fr�d�ric Fisbach. Avec Nicolas Hodges (narrateur, piano),
Mats Scheidegger (guitare), Ekkehard Abele (Walter Benjamin), Neue
Vocalisten Stuttgart, Nieuw Ensemble Amsterdam, Jurjen
Hempel.
Th��tre Nanterre-Amandiers, le 26
octobre.